dimanche 29 mai 2016

HAÏKU, POIRIER JIMMY : Cueillir la pluie


Jimmy POIRIER


  Cueillir la pluie


Éditions Tire-Veille
Collection Haïkusie dirigée par Francine Chicoine, mars 2014

Publié dans "La Lettre de Ploc", juin 2014


Cueillir la pluie est le premier recueil de haïkus de Jimmy Poirier qui goûte, avec le petit poème, le plaisir de redécouvrir le quotidien et cette « perception nécessaire à la création ».
Selon la tradition chère aux haïjins, l’écriture s’effectue au jour le jour, au fil du temps, effleurant les saisons par touches impressionnistes. À peine éclos, l’instant semble vouloir échapper aux sens toujours à l’affût :

coin de la grange
une marguerite oscille
entre ombre et lumière

Il règne dans la poésie de Jimmy Poirier, une légèreté indéniable, un sentiment d’insaisissable – suggéré en premier lieu par le titre, Cueillir la pluie, - qui montre combien la vie est en perpétuel changement, que toute œuvre est transitoire et que le sentiment de possession relève de la pure illusion :  

chez mes parents
cet arbre si vide
ma cabane disparue

L’arbre reste, le temps des jeux s’enfuit ; implacable dualité de ce monde où se côtoient l’éternel et l’éphémère, déstabilisant l’être au plus profond de lui-même, tant qu’il n’a pas appris à composer avec le mystère environnant.

Mais Jimmy Poirier est conscient qu’il ne faut pas craindre le vide, car c’est dans la marge que s’exprime l’essentiel, tandis que chaque disparition ouvre une voie inconnue portant d’infinies promesses :

l’automne avance
de plus en plus de ciel
entre les branches

premiers rayons
la pluie a laissé de l’or
sur les toits

Il en va de même du silence ou de l’ombre, qui sont pareillement des espaces de l’entre-deux, des marges destinées à révéler le contour des choses et leur sens absolu. Le Sage sait qu’il est nécessaire de les traverser, de les intégrer, pour sortir de la méconnaissance, soulever le couvercle opaque de l’ignorance et toucher du doigt la lumière :

nuit sur le lac
un homme pagaie
dans les étoiles

D’ailleurs, le fait d’illustrer le recueil de photographies en noir et blanc ne répond sûrement pas du hasard.

Il ne fait aucun doute que Jimmy Poirier a découvert « cette alchimie du haïku, cet art de transformer les fragments du quotidien, d’apparence banale, en instants de pure magie[1] ».

Danièle Duteil



[1] Extrait de l’avant-propos de Jimmy Poirier.

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