Jimmy POIRIER
Cueillir la pluie
Éditions
Tire-Veille
Collection
Haïkusie dirigée par Francine Chicoine, mars 2014
Publié dans "La Lettre de Ploc", juin 2014
Cueillir la pluie est le premier recueil de
haïkus de Jimmy Poirier qui goûte, avec le petit poème, le plaisir de redécouvrir
le quotidien et cette « perception nécessaire à la création ».
Selon
la tradition chère aux haïjins, l’écriture s’effectue au jour le jour, au fil du
temps, effleurant les saisons par touches impressionnistes. À peine éclos,
l’instant semble vouloir échapper aux sens toujours à l’affût :
coin
de la grange
une
marguerite oscille
entre
ombre et lumière
Il
règne dans la poésie de Jimmy Poirier, une légèreté indéniable, un sentiment d’insaisissable
– suggéré en premier lieu par le titre, Cueillir
la pluie, - qui montre combien la vie est en perpétuel changement, que toute
œuvre est transitoire et que le sentiment de possession relève de la pure
illusion :
chez
mes parents
cet
arbre si vide
ma
cabane disparue
L’arbre
reste, le temps des jeux s’enfuit ; implacable dualité de ce monde où se
côtoient l’éternel et l’éphémère, déstabilisant l’être au plus profond de
lui-même, tant qu’il n’a pas appris à composer avec le mystère environnant.
Mais
Jimmy Poirier est conscient qu’il ne faut pas craindre le vide, car c’est dans la
marge que s’exprime l’essentiel, tandis que chaque disparition ouvre une voie inconnue
portant d’infinies promesses :
l’automne
avance
de
plus en plus de ciel
entre
les branches
premiers
rayons
la
pluie a laissé de l’or
sur
les toits
Il
en va de même du silence ou de l’ombre, qui sont pareillement des espaces de
l’entre-deux, des marges destinées à révéler le contour des choses et leur sens
absolu. Le Sage sait qu’il est nécessaire de les traverser, de les intégrer,
pour sortir de la méconnaissance, soulever le couvercle opaque de l’ignorance
et toucher du doigt la lumière :
nuit
sur le lac
un
homme pagaie
dans
les étoiles
D’ailleurs,
le fait d’illustrer le recueil de photographies en noir et blanc ne répond
sûrement pas du hasard.
Il
ne fait aucun doute que Jimmy Poirier a découvert « cette alchimie du
haïku, cet art de transformer les
fragments du quotidien, d’apparence banale, en instants de pure magie[1] ».
Danièle Duteil
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