dimanche 29 mai 2016

HAÏKU, HAIBUN, FITAKE (PHILIPPE QUINTA) : Cuisine d'été



Cuisine d’été, haïku

De Philippe Quinta, alias Fitaki Linpé

Illustrations de Shuang Gao

Publié dans "L'écho du haïbun"n° 20, juin 2016


Lorsque Bashô écrivit son célèbre haïku de la grenouille, il adressait à tous les poètes un clin d’œil pour leur dire combien il est important de vivre pleinement l’instant présent, si prompt à s’enfuir. Plongé au cœur de la nature, l’homme prend conscience non seulement de l’harmonie générale du monde, mais encore de sa proximité avec tout ce qui frémit autour de lui.

pleine lune –
un crapaud
croise mon chemin

À l’écoute de ses sens, Fitaki Limpé prend la pleine mesure du temps qui s’écoule, ponctué par les saisons et les lunaisons, de l’espace qu’il embrasse dans sa dimension cosmique, de sa place dans un univers organisé où le silence même est une palpitation de la vie.

les yeux fermés
le bleu du lac
ne s’en va pas

Dans Cuisine d’été, une belle place est accordée aux éléments, magnifiés par la sensibilité du poète ou le trait de pinceau délicat de Shuang Gao. La terre, l’eau, l’air et le vent, le feu, l’éther même, se déclinent en huit volets : Rivière et lac, Quelle chaleur !, Plus fort les cigales, Vent d’août… Chaque mouvement, à l’exception d’Une journée d’été avec un ami, s’ouvre sur un bref haïbun, introduction explicative et poétique, souvent exprimée sur le ton de la confidence, invitant à partager une escapade estivale et à savourer des bonheurs authentiques.

Nous partons pour une aventureuse traversée de 12 jours. Je sais que la fatigue n’épargnera personne et qu’elle deviendra une fidèle compagne pour chacun de nous mais en compensation nous aurons, je le sais, de beaux moments de grâce. (Cuisine d’été)

Il est bon de suivre Fitaki Linpé dans les endroits les plus secrets, loin du brouhaha futile d’un monde en perte de repères, où certains hommes « ne savent plus danser le soir au clair de lune, […] ne savent plus marcher sur la chair de leurs pieds, […] ne savent plus conter les contes aux veillées »1.

Ah ce bord de Truyère habité de silence et de fraîcheur ! le propriétaire de la rive en cède la jouissance aux quelques habitants du hameau, pour la plupart déjà vieux.

plus là pour les pieds
l’escalier moussu
mais pour le poème

Danièle Duteil


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1. Extrait du poème intitulé Prière d’un petit enfant nègre de Guy Tirolien Léopold Sédar Senghor (éd.), Anthologie de la nouvelle poésie nègre de langue française, Paris, Presses Universitaires de France, 1977, pp. 94-96).



Cuisine d’été, haïku, de Fitaki Linpé, illustrations de Shuang Gao, éd. Tapuscrits Poésie, 2016, 9.80 €. ISBN : 979-10-94418-18-5

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