Cuisine d’été,
haïku
De Philippe Quinta, alias Fitaki Linpé
Illustrations de Shuang Gao
Publié dans "L'écho du haïbun"n° 20, juin 2016
Lorsque Bashô écrivit son célèbre haïku de la
grenouille, il adressait à tous les poètes un clin d’œil pour leur dire combien
il est important de vivre pleinement l’instant présent, si prompt à s’enfuir.
Plongé au cœur de la nature, l’homme prend conscience non seulement de l’harmonie
générale du monde, mais encore de sa proximité avec tout ce qui frémit autour
de lui.
pleine lune –
un crapaud
croise mon
chemin
À l’écoute de ses sens, Fitaki Limpé prend la pleine
mesure du temps qui s’écoule, ponctué par les saisons et les lunaisons, de l’espace
qu’il embrasse dans sa dimension cosmique, de sa place dans un univers organisé
où le silence même est une palpitation de la vie.
les yeux
fermés
le bleu du
lac
ne s’en va
pas
Dans Cuisine d’été,
une belle place est accordée aux éléments, magnifiés par la sensibilité du
poète ou le trait de pinceau délicat de Shuang Gao. La terre, l’eau, l’air et le
vent, le feu, l’éther même, se déclinent en huit volets : Rivière et lac, Quelle chaleur !, Plus
fort les cigales, Vent d’août… Chaque mouvement, à l’exception d’Une journée d’été avec un ami, s’ouvre sur
un bref haïbun, introduction explicative et poétique, souvent exprimée sur le
ton de la confidence, invitant à partager une escapade estivale et à savourer des
bonheurs authentiques.
Nous partons
pour une aventureuse traversée de 12 jours. Je sais que la fatigue n’épargnera
personne et qu’elle deviendra une fidèle compagne pour chacun de nous mais en
compensation nous aurons, je le sais, de beaux moments de grâce. (Cuisine d’été)
Il
est bon de suivre Fitaki Linpé dans les endroits les plus secrets, loin du
brouhaha futile d’un monde en perte de repères, où certains hommes « ne
savent plus danser le soir au clair de lune, […] ne savent plus marcher sur la chair
de leurs pieds, […] ne savent plus conter les contes aux veillées »1.
Ah ce bord de
Truyère habité de silence et de fraîcheur ! le propriétaire de la rive en cède
la jouissance aux quelques habitants du hameau, pour la plupart déjà vieux.
plus là pour
les pieds
l’escalier
moussu
mais pour le
poème
Danièle Duteil
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1. Extrait du poème intitulé Prière d’un petit enfant nègre de Guy
Tirolien – Léopold Sédar Senghor (éd.), Anthologie de la nouvelle poésie nègre
de langue française, Paris, Presses Universitaires de France, 1977, pp.
94-96).
Cuisine
d’été, haïku, de Fitaki Linpé, illustrations de Shuang Gao, éd.
Tapuscrits Poésie, 2016, 9.80 €. ISBN : 979-10-94418-18-5
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