jeudi 13 octobre 2016

Christian COSBERG

Juste la douceur du vent : haïku




Comme toujours, quand je commence à parcourir un livre, je me plais à faire l’inventaire des titres des différentes parties. Ce recueil en comporte cinq. Il débute comme un jeu de piste, avec Carte au trésor, se poursuit à la manière d’un conte de fées, annonçant La petite mouche et le printemps, devient énigmatique avec
Les grands réservoirs, prend ensuite la forme d’un roman policier, titrant Le dernier verre de saké, pour trouver un dénouement paisible introduit par Juste la douceur du vent, faisant écho à l’intitulé de l’ensemble.

Christian Cosberg convie d’abord ses lecteurs et lectrices à une redécouverte du monde qui semblait sommeiller dans la nuit hivernale.

premiers matins / du soleil frais inlassablement / repeint la plaine

Les quatre éléments sont bien au rendez vous, le feu de la lumière renaissante, l’eau de la neige, les torgnoles du grand vent, le mille-pattes surgi des tréfonds de la terre. Un éveil qui s’accompagne aussi d’une fête des sens : éclat de robes, parfums de fleurs, de fruits rouges, chaleur du brasero, musique de l’averse sur les vitres… Chaque haïku à lui seul est une gourmandise et une célébration de la vie qui renaît de ses cendres :

de la vieille lampe frottée / sort / une petite mouche

La métamorphose s’opère en secret, entre les gouttes et le silence qui s’ouvre pour un chant d’oiseau.
Au détour de quelque page, fleurit parfois un tanka :

        le parfum d’un iris / et soudain / la tête me tourne / elle se tient donc là / mon enfance !

L’été annonce la plénitude, mais la saison porte déjà en elle sa fin. À  nouveau, le monde est en attente, tels ces grands réservoirs sous la chaleur estivale :

jardin en friche / un vieux silence / monte dans les saules

Il y a dans l’air un je ne sais quoi qui échappe, fuite du temps, un jour jeune l’autre vieux, passage des êtres…

cette fille / une forêt / dans le vent

Mais, que résonne le cri des cigales et l’été prend des allures de fête : l’odeur d’un figuier suspend le pas, la nuit éclate en myriades d’étoiles, la vie sourd par
tous les interstices. Au chant du dehors répondent les balbutiements de
rencontres intimistes.

L’automne révèle enfin son goût aigre-doux de soirées solitaires, aux parfums de pommes et de figues, traversés d’une pensée qu’on souhaiterait partager :

lune rousse / je n’aurais caressé / que le chat du parking

L’ivresse estivale retombée, la tentation est forte de la retrouver dans un verre de saké bu à toutes petites gorgées. Après, après… l’homme pioche dans ses souvenirs pour accompagner les longs silences de l’existence, en écoutant le vent.

Lecteur, lectrice, suivez le conseil de Vincent Hoarau dans sa préface, qui vous invite à lire lentement, sans vous hâter. Ainsi, vous laisserez éclater en bouche toutes les notes goûteuses de Juste la douceur du vent. Vous savourerez aussi au fil des pages les photos elliptiques de Fitaki Linpé : peut-être au creux des marges assisterez-vous à l’éclosion de votre propre haïku.

Danièle Duteil


Préface de Vincent Hoarau, photos de Fitaki Linpé ;  Éd. Tapuscrits, mai 2016. 11,60 €.
 ISBN : 979-10-94418-20-8

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