mardi 17 janvier 2017

HAÏKUS DE LA CORDE A LINGE



Haïkus de la corde à linge


Collectif haïkus, dir. D. Duteil, éditions Renée Clairon, Revue Rivalités, décembre 2016. ISSN : 2371-5863


Par Danièle Duteil





Je me souviens d’un jardin tout en longueur traversé d’un bout à l’autre par la corde à linge. Le fil, distendu en plusieurs endroits, témoignait des bons et loyaux services rendus par celle qui, bon gré, mal gré, devait supporter chaque semaine le poids de la garde-robe d’une famille nombreuse.
Chaque mardi, été comme hiver, les couleurs des huit marmots et de leurs parents pavoisaient sous le ciel changeant de la rive océane : « Il y a toujours un rayon de soleil dans la journée pour sécher les langes du petit Jésus » disait mémé. Elle avait connu l’eau du puits, la planche, le savon de Marseille, et l’étendage des draps au grand air, sur un carré d’herbe.
À l’époque du tout électrique, la corde à linge tombe peu à peu en désuétude. On la trouve encore dans les jardins campagnards ou banlieusards, se balançant au gré du vent, hérissée l’automne venu de deux trois pinces oubliées. D’elle émane finalement cette touche de « wabi-sabi » propre aux choses ordinaires qui balisent nos vies dès le plus jeune-âge. Sorte de cordon ombilical, elle fait remonter de l’enfance des souvenirs à jamais ancrés : silhouette maternelle aux bras tendus vers le fil, odeur du foyer, cour ou lopin de terre qui accueillirent nos premiers pas… Elle figure la simplicité des heures  et la longueur des jours, quand nous ne courions pas après le temps. Finalement, partout où elle continue de s’offrir à la vue, elle déploie un je ne sais quoi de rassurant, lié sans doute à notre prime mémoire. Qu’elle barre les ruelles du Sud, là où son droit à s’exhiber sans vergogne perdure, étalant ses joyeuses couleurs au vu et au su de tous, qu’elle déroule pour les oiseaux un perchoir de choix, ou retienne en collier de perles translucides la dernière giboulée, elle ne laisse pas indifférent.
En réalité, elle constitue un lien entre présent et passé, entre les saisons, entre membres d’une même famille, entre voisins, entre plusieurs histoires... Un lien et un fil d’information, dévoilant l’intime des gens et ces événements, tantôt heureux tantôt sombres, semés sur le cours des existences.

En définitive, les Haïkus de la corde à linge résonnent en nous beaucoup plus profondément que nous le l’escomptions d’abord. Nous faisant rebondir avec gourmandise d’une page à l’autre, ils dégagent une saveur telle qu’ils n’engendrent jamais la satiété.


sur le jardin sans fleurs
et les fils sans linge
l’hiver s’installe

Monique Junchat

balade à vélo –
au bas de mon pantalon
deux pinces à linge

Michel Duflo


D. D.


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