Haïkus de la corde à linge
Collectif haïkus, dir. D. Duteil, éditions Renée Clairon, Revue Rivalités, décembre 2016. ISSN : 2371-5863
Par Danièle Duteil
Je me souviens d’un jardin
tout en longueur traversé d’un bout à l’autre par la corde à linge. Le fil,
distendu en plusieurs endroits, témoignait des bons et loyaux services rendus
par celle qui, bon gré, mal gré, devait supporter chaque semaine le poids de la
garde-robe d’une famille nombreuse.
Chaque mardi, été comme hiver,
les couleurs des huit marmots et de leurs parents pavoisaient sous le ciel
changeant de la rive océane : « Il y a toujours un rayon de soleil
dans la journée pour sécher les langes du petit Jésus » disait mémé. Elle
avait connu l’eau du puits, la planche, le savon de Marseille, et l’étendage
des draps au grand air, sur un carré d’herbe.
À l’époque du tout électrique,
la corde à linge tombe peu à peu en désuétude. On la trouve encore dans les
jardins campagnards ou banlieusards, se balançant au gré du vent, hérissée l’automne
venu de deux trois pinces oubliées. D’elle émane finalement cette touche de
« wabi-sabi » propre aux choses ordinaires qui balisent nos vies dès
le plus jeune-âge. Sorte de cordon ombilical, elle fait remonter de l’enfance
des souvenirs à jamais ancrés : silhouette maternelle aux bras tendus vers
le fil, odeur du foyer, cour ou lopin de terre qui accueillirent nos premiers
pas… Elle figure la simplicité des heures
et la longueur des jours, quand nous ne courions pas après le temps.
Finalement, partout où elle continue de s’offrir à la vue, elle déploie un je
ne sais quoi de rassurant, lié sans doute à notre prime mémoire. Qu’elle barre
les ruelles du Sud, là où son droit à s’exhiber sans vergogne perdure, étalant
ses joyeuses couleurs au vu et au su de tous, qu’elle déroule pour les oiseaux
un perchoir de choix, ou retienne en collier de perles translucides la dernière
giboulée, elle ne laisse pas indifférent.
En réalité, elle constitue un
lien entre présent et passé, entre les saisons, entre membres d’une même famille,
entre voisins, entre plusieurs histoires... Un lien et un fil d’information,
dévoilant l’intime des gens et ces événements, tantôt heureux tantôt sombres,
semés sur le cours des existences.
En définitive, les Haïkus de la corde à linge résonnent en
nous beaucoup plus profondément que nous le l’escomptions d’abord. Nous faisant
rebondir avec gourmandise d’une page à l’autre, ils dégagent une saveur telle
qu’ils n’engendrent jamais la satiété.
sur le jardin sans fleurs
et les fils sans linge
l’hiver s’installe
Monique Junchat
balade à vélo –
au bas de mon
pantalon
deux pinces à
linge
Michel Duflo
D. D.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire